Comment intégrer des juristes en situation de handicap ?

Le petit truc en plus d’un juriste en situation de handicap ? Des capacités de gestionnaire, d’adaptation et un impact positif sur le management. Encore faut-il que la direction juridique sache l’accompagner. Une bonne approche facilitera l’intégration, le sourcing et la qualité de vie au travail de tous.

Par Florence Leandri

“Le recrutement d’une personne compétente, bénéficiaire de l’obligation d'emploi de travailleurs handicapés (BOETH), agit comme un révélateur de qualités humaines qui bénéficie à tous", estime Jennifer Murschel, directrice juridique de Decathlon France. “Leur présence remet en lumière la loyauté et le courage", remarque Stéphane Baller, avocat of counsel chez De Gaulle Fleurance et fondateur de l’association Droit comme un H ! qui aide les jeunes talents en situation de handicap à accéder aux professions du droit. Si ce dernier identifie chez ces profils « de fortes capacités d’adaptation », Jennifer Murschel souligne que "leur parcours de vie, qui les conduit à surmonter diverses difficultés, en font de bons gestionnaires. Leur investissement professionnel permet aux autres de relativiser leurs contrariétés. Une dimension très appréciable pour un manager qui pourra compter sur leur résilience et leur capacité à trouver des solutions innovantes.”

"Leur intégration invite aussi à repenser le management qui repose souvent sur des bases vieilles de plus de 40 ans" , se félicite Stéphane Baller. De plus, « un manager sensibilisé à l’accueil des personnes en situation de handicap démontre sa capacité d’adaptation à chaque collaborateur, fondement de la légitimité de tout N+1  » souligne Jennifer Murschel. 

Débuter par des actions à enjeu limité

La moitié des actifs seront touchés par une situation de handicap au cours de leur vie selon le ministère de l’Éducation nationale : “un point d’entrée pertinent pour aborder la question du handicap et capter l’attention” pointe Jennifer Murschel. "Il faut ensuite mettre de l’intention, complète Nathalie Dubois, vice-présidente de l’AFJE, pilote du groupe scientifique ESG-RSE et directrice juridique de Fnac Darty. Pouvoir échanger sur le handicap relève du care, une dimension de la transition juste parfois négligée. Mais c’est un sujet d’équipe qui ne peut pas être imposé. Se rapprocher des RH pour savoir où l’entreprise se situe sur ce terrain fait gagner du temps."

Cette démarche permettra aux juristes d’entreprise d’être force de propositions mais aussi de s’insérer dans des actions existantes. "Decathlon en est à son 8e Accord Handicap, un programme pluriannuel. Mais ce n’est que lorsque je me suis intéressée à ce sujet, il y a trois ans, que j’ai pris connaissance de l’existence de la mission Handicap du groupe" , témoigne Jennifer Murschel, devenue depuis l’une des référentes pour les fonctions support. Dans ce cadre, elle s’implique dans le maintien en emploi et la lutte contre les a priori, dont celui qui frappe les handicaps psychiques, et “les biais, l’un d’eux étant que le management d’une personne en situation de handicap prend plus de temps. C’est faux” partage la directrice juridique qui compte 90 personnes dans son équipe.

Selon Stéphane Baller, “commencer par des expériences sans enjeu fort est une bonne piste : cela lève bien les barrières. Il peut s’agir de participer au DuoDay, journée nationale qui favorise la rencontre entre les employeurs et les personnes en situation de handicap, ou de proposer des stages courts aux étudiants en situation de handicap” . À l’instar de la direction juridique de Fnac Darty qui s’ouvre, sous l’impulsion de Nathalie Dubois, aux M2, M1 et L3. “Installer un référent dédié au sein de l’équipe, différent du manager, facilite les retours d’expérience, conseille Jennifer Murschel. Une formation de l’équipe en amont de chaque action est requise. Tout ce qui favorise les interactions est à considérer, par exemple un temps de cohésion de l’équipe juridique autour du cécifoot.”

Franchir l’obstacle du sourcing 

“Dans les services, et particulièrement dans les métiers juridiques, recruter des collaborateurs ayant déclaré leur handicap est très difficile”, relate Jennifer Murschel. D’autant que 80 % des handicaps sont invisibles selon l’Agefiph et que "les personnes atteintes de handicaps invisibles hésitent souvent à se déclarer, craignant d'être stigmatisées ou marginalisées" indique Jennifer Murschel. En outre, "le handicap est souvent associé par les employeurs à une baisse de productivité, déplore Stéphane Baller. Ceux qui font leur "coming H out" s’exposent à des jugements et des remarques, par exemple en attribuant leurs réussites à leur handicap plutôt qu'à leurs compétences ou mérite. Dès lors, pour celui qui compense suffisamment pour ne rienlaisser paraître, quel intérêt à s’exposer ?"

La volonté d'agir doit s’accompagner de savoir-faire et de savoir-être. Il est essentiel de diffuser une culture de l’inclusion, en commençant par une connaissance approfondie des divers formes de handicap  : endométriose, Covid long, troubles cognitifs du type dysgraphie, etc. “Il faut une volonté d’accueil et d’intégration concrète, souligne Stéphane Baller. Les actions de sensibilisation permettent d’être prêt à recruter une personne en situation de handicap quand le moment se présentera.”

"Favoriser l’intégration des personnes en situation de handicap participe à la qualité de vie au travail, conclut Nathalie Dubois. Embarquer tout le monde sur ce terrain permet à chacun d’avoir la possibilité de s’exprimer et d’être considéré pour ce qu’il est vraiment."


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Publié le 04/06/2025