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ESG-RSE

LA CERTIFICATION DES INFORMATIONS EN MATIÈRE DE DURABILITÉ

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Les sociétés assujetties à la directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 (directive CSRD) doivent faire certifier leurs informations de durabilité (A.). Lorsqu'elles sont dotées d'un comité d’audit légal, la Directive CSRD lui attribue un rôle dans la certification des informations de durabilité (B.). Des bonnes pratiques permettront de faciliter la réalisation de cet exercice nouveau (C.).

 

A. La certification des informations de durabilité par l'auditeur de durabilité

Désignation d’un auditeur de durabilité

Les informations en matière de durabilité figurant dans le rapport de durabilité doivent être certifiées par un auditeur de durabilité[1], c’est-à-dire :

- soit par un commissaire aux comptes (un CAC) inscrit sur la liste mentionnée à l’article L 821-13, II du Code de commerce, étant précisé que le CAC pourra être celui qui certifie habituellement les comptes de la société assujettie à la Directive CSRD ou un autre CAC[2] ;

- soit par un organisme tiers indépendant (un OTI) inscrit sur la liste mentionnée à l’article L. 822-3 du Code de commerce.

Les textes ne prévoient pas d'obligation de nommer un auditeur CAC suppléant. Néanmoins, comme en matière de certification des comptes, si le CAC désigné est une personne physique ou une société unipersonnelle, un ou plusieurs CAC suppléants devront être désignés dans les mêmes conditions[3].

Les mêmes règles de suppléance s’appliquent à la désignation d’un OTI lorsque l’OTI désigné ne comporte qu’un seul auditeur des informations de durabilité[4].

Le co-commissariat n’est pas obligatoire en matière de certification des informations de durabilité, « notamment en raison de l’absence d’un niveau d’assurance comparable à celui de la certification des états financiers »[5]. Il est néanmoins possible aux entités astreintes à publier des informations consolidées de durabilité de nommer soit plusieurs CAC, soit plusieurs OTI, soit un CAC et un OTI[6]. Pour les sociétés publiant un rapport de durabilité à titre individuel, les textes n'interdisent pas le recours au co-commissariat mais ne le permettent pas expressément. On peut néanmoins considérer que cette pratique reste possible sur une base volontaire. 

La désignation de l’auditeur de durabilité ne nécessite pas de procédure d’appel d’offres[7]. Toutefois, Middlenext recommande à ses adhérents de réaliser un appel d'offres[8].

 

Calendrier d'application

Les premiers travaux de certification des informations de durabilité ont déjà débuté pour les sociétés tenues de publier un rapport de durabilité en 2025 qui ont dû procéder à la désignation d’un CAC ou d’un OTI lors de leur assemblée générale statuant en 2024 sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2023[9].

Pour la seconde vague des sociétés tenues de publier un rapport de durabilité en 2026, le CAC / OTI devra être désigné en vue de la mission de certification des informations de durabilité lors de l’assemblée générale amenée à statuer en 2025 sur les comptes de l’exercice clos le 31 décembre 2024.

 

Durée de la mission de l’auditeur de durabilité

Pour l'exercice de leurs missions de certification des informations en matière de durabilité, les CAC ou les OTI sont nommés pour un mandat de six exercices, leurs fonctions expirant après la délibération de l’assemblée générale statuant sur les comptes du sixième exercice[10]. Lorsque le CAC ou l'OTI est désigné de manière volontaire par la société, la durée du mandat peut être limitée à trois exercices[11]. 

Toutefois, pour la première nomination (en cas de nomination obligatoire ou volontaire), le CAC ou l’OTI pourront être nommés[12] : 

- soit pour la durée du mandat restant à courir au titre de la mission de certification des comptes ; ou

- soit pour un mandat limité de trois exercices (à l’expiration de ce premier mandat, la société pourra alors nommer le CAC ou l’OTI (i) pour un mandat de six ans ou (ii) pour la durée du mandat restant à courir au titre de la mission de certification des comptes)[13].

 

Missions de l’auditeur de durabilité

L’auditeur de durabilité est chargé d’émettre un avis vérifiant et garantissant la fiabilité des informations du rapport de durabilité[14].

L’avis émis par l’auditeur de durabilité dans le cadre de la certification des informations de durabilité fait l’objet d’un rapport de certification destiné à l’assemblée générale des actionnaires de la société tenue de publier un rapport de durabilité[15].

L’audit des informations de durabilité sera effectué, dans un premier temps, selon une norme d’assurance limitée. La conclusion d’une assurance limitée est généralement exprimée sous forme négative et le professionnel devra déclarer « n’avoir constaté aucun élément lui permettant de conclure que l’objet de l’audit est entaché d’inexactitudes significatives »[16]. Une norme d’"assurance raisonnable" pourrait être imposée par la Commission européenne d’ici 2028.

 

Éclairage apporté par la Haute Autorité de l'Audit sur la mise en œuvre des missions des auditeurs de durabilité

Dans l'attente de la norme européenne sur l'assurance limitée devant régir et harmoniser la nouvelle mission de certification des auditeurs de durabilité dont la publication est prévue au plus tard le 1er octobre 2026, la Haute Autorité de l'Audit (H2A) a publié en octobre 2024 ses propres lignes directrices[17] afin de décrire les travaux attendus par les certificateurs. Ces lignes directrices se substituent à l'avis technique sur les missions d'assurance limitée publié en juin 2023 par le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) et intègrent les nouveautés réglementaires liées à la publication des normes ESRS et à la transposition en droit français de la directive CSRD. De plus, afin d’assurer la plus grande cohérence possible dans les pratiques européennes des vérificateurs, les lignes directrices du H2A prennent en compte les orientations élaborées par le Committee of European Audit Oversight Board (CEAOB). Enfin, il convient de noter qu'elles comportent plusieurs modèles de rapports établis dans le cas d'un vérificateur unique.

Le 8 novembre 2024, le H2A a mis à jour sa foire aux questions (FAQ) publiée en mars dernier afin de guider les professionnels concernés dans la mise en œuvre de la mission de certification des rapports de durabilité. Cette mise à jour permet désormais de répondre aux premières interrogations des vérificateurs sur les conditions à remplir pour signer un rapport de certification des informations en matière de durabilité.

 

Sanction applicable en l’absence de désignation d’un auditeur de durabilité

L’absence de désignation d’un CAC ou d’un OTI par tout dirigeant d'une personne morale ou d’une entité tenue de faire certifier ses informations en matière de durabilité est punie d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 30 000 €[18].

 

B. Rôle et missions du comité d’audit dans la certification des informations de durabilité

Pour les sociétés qui sont tenues légalement de se doter d'un comité d'audit[19], les principales missions de ce comité en matière d’informations de durabilité[20] sont les suivantes :

- suivre le processus d'élaboration de l'information en matière de durabilité et formuler, le cas échéant, des recommandations pour garantir l'intégrité de ce processus ; 

- suivre l'efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques en ce qui concerne les procédures relatives à l'élaboration et au traitement de l'information comptables et financières de l'information en matière de durabilité ; 

- émettre une recommandation sur les auditeurs de durabilité proposés à la désignation qui doit être adressée au conseil d'administration ou de surveillance ;

- suivre la réalisation des missions de l'auditeur de durabilité en matière de durabilité ;

- s’assurer du respect des conditions d'indépendance requises des intervenants pour l'exercice des missions de certification des informations en matière de durabilité ;

- superviser la procédure de sélection ou de renouvellement des auditeurs de durabilité et émettre une recommandation sur les candidats proposés à la désignation par l'assemblée générale des actionnaires ;

- rendre compte régulièrement au conseil d’administration ou de surveillance des résultats de sa mission de certification des informations de durabilité. 

Chaque société concernée reste néanmoins libre de compléter ou préciser ces missions au regard de son secteur d’activité ou de ses spécificités. L'ensemble de ces nouvelles missions nécessitera, le cas échéant, d'être intégré dans les statuts de la société ou les règlements intérieurs du conseil ou des comités concernés. 

Par ailleurs, l'ensemble de ces missions peuvent être exercées par un autre comité spécialisé distinct du comité d'audit (par exemple, un comité RSE)[21].

Pour les sociétés qui ne sont pas tenues légalement de se doter d'un comité d'audit, en l'absence de dispositions spécifiques, on peut considérer que ces missions seront à la charge du conseil d'administration ou de surveillance. Dans la réalisation de ces missions, ce dernier peut mettre en place un comité ad hoc. 

 

C. Bonnes pratiques à mettre en œuvre par les sociétés pour la certification des informations de durabilité

Afin de garantir la bonne exécution de la mission de certification des informations en matière de durabilité, il est nécessaire que les équipes en charge de l'élaboration du rapport de durabilité interagissent et dialoguent avec les auditeurs de durabilité en amont mais aussi à chaque étape clé de la préparation du rapport de durabilité, en particulier lors de (i) la réalisation de la matrice de double matérialité, (ii) la détermination des IRO (Incidences, Risques, Opportunités) importants (matériels) et (iii) l'identification du nombre de data points importants.

Tout comme pour les équipes des sociétés de la première vague, il s'agit d'un exercice nouveau pour les auditeurs de durabilité qui doivent à la fois analyser et interpréter les lignes directrices de leurs missions tout en les appliquant en pratique aux premiers rapports de durabilité.

 

À propos des auteurs

Laurence Vincent est associée au sein du département Corporate d'Herbert Smith Freehills à Paris.

Ladislas Skura est head of legal knowledge au sein du département Corporate d'Herbert Smith Freehills à Paris.

Lucas Lemasson est collaborateur au sein du département Corporate d'Herbert Smith Freehills à Paris.

 


Notes

[1]        Article L. 233-28-4, III du Code de commerce applicable à compter du 1er janvier 2025.

[2]       Plus de la moitié des sociétés de la vague 1 et 2 prévoient de doter leurs CAC actuels (certifiant leurs états financiers) des missions de certification d'informations en matière de durabilité. 

[3]        Article L. 821-40 al. 3 du Code de commerce.

[4]        Article L. 822-17 du Code de commerce.

[5]        Rapport du Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023.

[6]        Article L. 821-41 al. 2 du Code de commerce pour les CAC et article R. 822-23 pour les OTI.

[7]        L’article L. 821-44 du Code de commerce n’impose pas le suivi d’une procédure d’appel d’offres définie à l’article 16, 3° du règlement (UE) n° 537/2014 du Parlement européen et du Conseil pour la désignation d’un CAC ou d'un OTI. Toutefois, un appel d'offres est nécessaire pour étendre de dix à seize ans la période maximale durant laquelle un CAC ou un OTI unique pourra être chargé de certifier les informations de durabilité d'une entité d'intérêt public.

[8]       Middlenext, « Recommandations RSE 2024 », §4.

[9]       Article L. 821-40, I du Code de commerce pour les CAC et article L. 822-17 du Code de commerce pour les OTI.

[10]      Article L. 821-44 al. 1 du Code de commerce pour les CAC et article L. 822-20 al. 1 du Code de commerce pour les OTI.

[11]      Article L. 821-46 du Code de commerce pour les CAC et article L. 822-20 al. 4 du Code de commerce pour les OTI.

[12]      Article 38 de l'ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023.

[13]      Cette nomination pour une durée de trois exercices est une pratique recommandée par Middlenext (Middlenext, « Recommandations RSE 2024 », §4).

[14]      Article L. 821-54, II du Code de commerce pour les CAC et article L. 822-24 du Code de commerce pour les OTI.

[15]      Article L. 821-54, II du Code de commerce pour les CAC et article L. 822-24 du Code de commerce pour les OTI.

[16]      Considérant 60 de la Directive CSRD.

[17]      H2A, Lignes directrices sur la mission de certification des informations en matière de durabilité et de contrôle des exigences de publication des informations prévues à l'article 8 du règlement (UE) 2020/852, octobre 2024.

[18]      Article L. 821-6 du Code de commerce.

[19]      Article L. 821-67 al. 1 du Code de commerce.

[20]      Article L. 821-67, II du Code de commerce.

[21]      Article L. 821-67, III du Code de commerce.