Le Droit au coeur de la Présidentielle
Le Droit au cœur de la Présidentielle

Un ambitieux service public de la Justice

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L’indépendance et l’efficacité de l’institution judiciaire sont clés dans un Etat de droit. Ce sont également des éléments de mesure du rang accordé au droit dans la société. En outre, une justice de qualité favorise l’attractivité d’une place juridique. A cet instant, tout le monde mesure que les problèmes de l’institution judiciaire trouvent aussi des causes en amont dans la fabrique du droit qui crée instabilité, illisibilité et perte du sens et de la force de la norme. 

 

L’indépendance de la Justice doit être définitivement garantie par le vote d’une loi constitutionnelle alignant les conditions de nominations des membres du parquet sur celles des juges du siège[1](au moins avis conforme du CSM). A l’instar de toutes réformes difficiles, cela doit être engagé dès le début du prochain quinquennat au risque sinon de s’enliser dans les querelles politiciennes.


L’efficacité du service public de la justice suppose aussi que celui-ci soit une priorité budgétaire. Si des efforts ont été engagés récemment, il n’en demeure pas moins qu’au terme de la prochaine mandature, il faudra avoir rattrapé la moyenne européenne de 21,4 juges / 100 000 habitants alors qu’en France, on dénombre seulement 10,9 juges / 100 000 habitants. Un vaste plan de recrutement doit permettre d’atteindre la moyenne européenne en 2027. Cet effort vaut aussi pour les greffiers.

 

Pendant l’intervalle de temps nécessaire à former les professionnels supplémentaires avec la même exigence professionnelle, il conviendra de lancer à titre provisoire un plan de mobilisation des professions juridiques et des universités pour assurer des vacations sur des tâches au périmètre à préciser selon des modalités à définir.

 

L’attractivité passe par la reconnaissance sociale de la fonction de juger. C’est notamment vrai pour le juge civiliste, le plus proche du justiciable et le plus généraliste. Son rôle est donc fondamental au quotidien dans la perception que les justiciables ont de la Justice de l’Etat.

 

A cet égard, il serait vain d’espérer attirer les meilleurs talents sans une revalorisation significative de la rémunération des magistrats et greffiers. En parallèle, il faut renforcer les moyens matériels afin de montrer, au-delà de la recherche d’efficacité, la fonction éminente de la justice (moyens logistiques, informatiques, personnels, rénovation des locaux).

 

Il serait pertinent d’engager une réflexion sur le plan de carrière des magistrats avec des passerelles vers d’autres métiers du droit. L’AFJE a notamment créé la première formation interprofessionnelle magistrats / avocats / Juristes d’entreprise ( MAJ ) pour créer un vivier de talents croisés. Une perspective d’évolution profonde à étudier pourrait être de rendre l’accès à la fonction de magistrat à la condition préalable de l’exercice d’une autre profession du droit (avocat, juriste d’entreprise, notaire) pendant au moins 3 ans. 


Par ailleurs, une part importante de la justice économique se traite dans le cadre de la justice commerciale consulaire. Il est urgent de doter celle-ci également des moyens adaptés à ses missions pour qu’elle soit plus performante et attractive au bénéfice de l’écosystème des entrepreneurs. A l’instar de mécanismes similaires, tels ceux existants pour les élus, devrait être instauré un crédit d’heures annuels pour que les juristes d’entreprises puissent se former et exercer le mandat de juge consulaire. A cet égard, il importe de renforcer l’expérience de terrain de ces juges par un effort de formation continue.

 

Nous suggérons que de renforcer l’office du Tribunal de Commerce en le renommant « tribunal des affaires économiques » (voir Rapport Richelme) et en renforçant son rôle et moyens en se concentrant sur les points de progression suivants :

 

  1. En faire un interlocuteur naturel du chef d’entreprise. Il faut inciter le chef d’entreprise à saisir en amont le tribunal de commerce par des campagnes de communication.
  2. Améliorer la connaissance des mécanismes de prévention des difficultés par les entreprises avec le soutien du réseau de l’AFJE.
  3. Enrichir le recrutement des magistrats consulaires en mettant en place une filière dédiée permettant d’intégrer davantage de juristes d’entreprise.

 

Le développement de la numérisation de la justice grâce aux potentialités du numérique, doit être une priorité pour faciliter l’accès au droit pour tous les justiciables dont les PME, rétablissant ainsi une égalité entre les territoires, et pour réduire les délais de traitement des affaires tout en réduisant les coûts pour le budget de l’Etat : dématérialisation des procédures, règlement des petits litiges en ligne, création d’un portail unique pour l’ensemble des juridictions

 

En parallèle, il convient de développer les modes alternatifs de règlements des conflits dont la médiation. Déjà présent dans notre droit, il s’agit d’en faire un moyen renouvelé de gestion de la vie économique. Le recours à des procédures de médiation en ligne pour les petits litiges commerciaux doit être envisagé : le développement d’une plateforme dédiée doit être imaginée avec les barreaux locaux, les représentants des juristes et les universités.

 

Recourir au digital chaque fois que possible, par exemple :

 

  • Mettre en place une procédure numérisée pour les litiges < 10 000 € avec une plate-forme digitale en ligne (filtrage, enregistrement, enrôlement automatique) depuis la saisine des échanges jusqu’à la décision du juge ;

 

  • Pour les contentieux complexes avec représentation obligatoire, créer une plateforme nationale permettant une procédure mixte avec gestion des délais automatisée, sous le contrôle d'un greffier avec possibilité d'une audience physique de plaidoirie ;

 

Objectiver les délais, avec :

 

  • Un engagement d’audiencement à délai raisonnable à adapter en fonction du « stock » d’affaires en corrélation avec le plan de mobilisation mentionné ci-dessus ;

 

  • Limiter le nombre de renvois possibles ; 

 

Réformer les procédures devant les cours d'appel et la Cour de cassation. Cette dernière ne devrait statuer que sur des questions nouvelles de droit ou en cas de discordance de jurisprudence, et avoir la possibilité de s'autosaisir de toute question d'interprétation.

 

Développer des modes alternatifs de règlements, d’abord pour réduire le stock des contentieux les moins conséquents. Ce faisant, si l’expérience s’avère satisfaisante, envisager de pérenniser cette approche complémentaire.

 

 


Commentaires

Antoine D., 07/02/2022
"Pour permettre à des juristes d’entreprise de rejoindre le corps des magistrats, sans doute faudrait-il revoir aussi, outre les conditions d’accès, les conditions de rémunération tout particulièrement pour les tribunaux de commerce où les juges sont bénévoles. Des conditions de transfert du privé vers la fonction publique pour des « fins de carrières » devraient être facilité en analysant les freins /blocages de tels transferts."

Simon G., 15/12/2021
"Le rapport CEDE en référence (comparaison européenne) https://www.actu-juridique.fr/justice/rapport-de-la-cepej-2020-la-justice-francaise-toujours-aussi-mal-lotie/
Nombres de juge et procureurs depuis 1921 jusqu'à nos jour en % avec population française. pourrait mettre le bilan en perspective.
"


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