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ESG-RSE

Un océan de défis !

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Tribune de Corinne Lepage, avocate associée et fondatrice du cabinet Huglo Lepage Avocats.

 

Le sommet de Nice, Conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc), troisième du genre s’ouvre à Nice. Peu de personnes mesurent l’importance de l’océan dans l’équilibre planétaire, équilibre écologique, mais aussi équilibre économique.

La première thématique qui n’est pas vraiment à l’ordre du jour de l'Unoc est celle qui est liée à la question climatique. L’océan joue un rôle majeur dans la question climatique, d’une part, parce que c’est l'un des principaux puits de carbone dont nous disposons -même s'il est en forte régression- et, d’autre part, parce que les changements de température dans les océans ont des conséquences considérables sur les courants, mais aussi sur les phénomènes extrêmes (tsunamis, ouragans, etc). L’acidification des océans est un phénomène majeur de même que la disparition des coraux et des mangroves aux conséquences considérables sur le stockage du carbone et donc sur les puits de carbone.  S’ajoute naturellement à cela, les effets du réchauffement, la fonte des calottes glaciaires, la montée des eaux et l’érosion du trait de côte avec toutes les conséquences humaines et économiques. Ce sujet majeur sera davantage abordé lors de la COP 30 au Brésil, à la fin de l’année.

À Nice, c’est la protection des ressources marines, évidemment impactées par ce qui précède, qui est au centre du débat. La France aurait souhaité que le traité international sur la haute mer, signé en février 2023 après deux décennies de discussion, puisse être ratifié. C’est très peu probable, car à ce jour seule une trentaine de pays ont ratifié alors qu’il en faudrait 60 pour que puisse entrer en vigueur  ce traité très important qui instaure une obligation d’étude d’impact sur les activités humaines en haute mer et surtout une juridiction internationale.

D’autres sujets seront naturellement à l’ordre du jour à commencer par la protection des ressources aquatiques et des grands fonds marins qui sont mis à mal par un modèle de pêche tout à fait excessif, une pêche illégale et le chalutage dans les grands fonds marins. La préservation des grands fonds passe par la mise en œuvre des zones de protection qui devraient représenter 30 % de la surface des mers en 2030, alors que nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 8 %. Ces aires maritimes protégées (AMP) ont précisément pour vocation de permettre à la biodiversité de se développer. Malheureusement, si la France affiche officiellement 32 % de son littoral en aires marines protégées, la vérité est que seulement 17 % de ces aires existent réellement, et elles sont essentiellement en outre-mer, en particulier dans les terres australes françaises qui représentent quasiment la moitié de la superficie française de zone protégée. La pêche au chalut est responsable de 20 à 30 % de captures accidentelles et 88 % des espèces halieutiques sont surexploitées dans la mesure où la pêche au chalut est autorisée dans les AMP. Lorsque l’on sait que les océans représentent la moitié de l’oxygène produit sur la planète, et que l’on connaît l’importance du milieu marin dans cette production d’oxygène, on mesure l’importance du sujet. 

À cet égard, la question du transport maritime fait le lien entre la protection des milieux et la lutte contre le dérèglement climatique. La mise en œuvre de nouvelles règles en Méditerranée et demain dans l’Atlantique pour réduire les émissions d’azote et de soufre devrait permettre de réduire la pollution atmosphérique. Reste la question des émissions de CO2 à laquelle le transport maritime commence à peine à s’attaquer.

Un autre sujet de préoccupation est celui des micro plastiques et des plastiques de manière générale. Selon Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la mer et membre du Conseil économique, social et environnemental, chaque minute, 11 tonnes de plastique sont déversées dans l’océan, soit l’équivalent d’un camion poubelle. Chaque habitant de la planète utilise chaque année 60 kg de plastique (120 kg pour un Européen, 240 kg pour un Américain). Cette pollution au plastique vient s’ajouter aux multiples pollutions dont souffre la mer : nitrates, phosphates, métaux lourds, PFAS qui polluent toute la chaîne alimentaire et se retrouvent dans nos corps. 

Tant que l'humanité continuera à considérer que nos océans sont les poubelles de nos vies, car c’est la pollution tellurique qui est la plus importante, elle mettra sa vie en péril. Espérons que la conférence de Nice permettra d'améliorer la prise de conscience.