De la compta et du droit : le compte est bon !

Hommes et femmes du droit, les juristes d’entreprise ne s’en trouvent pas moins au confluent de nombreuses disciplines, dont la comptabilité. Mais, la comptabilité et vous, ça fait trois ? Petit cours de rattrapage et tour d’horizon des notions importantes pour les juristes.
 

La maîtrise, ou tout du moins la compréhension, des règles comptables et financières est un atout indéniable dans la pratique du droit des affaires. « Le chiffre et le droit ont ceci de commun qu’ils irriguent l’espace économique, indique Pierre-Jean Gaudel, fondateur de Paris Corporate Finance, cabinet spécialisé en fusions-acquisitions et expertise financière. Les règles juridiques et comptables s’y entremêlent. C’est pourquoi la maîtrise des notions comptables élémentaires est aussi utile pour le juriste que la maîtrise des notions juridiques élémentaires pour le comptable. » Ce spécialiste sait de quoi il parle, il a la double compétence d’expert-comptable et d’avocat. Très investi au sein du réseau DJCE (diplôme de juriste conseil d'entreprise), il estime par ailleurs que « les juristes d’entreprise ayant suivi cette formation pluridisciplinaire, ou d’autres formations équivalentes, sont très largement sensibilisés à ces notions. Ensuite, au sein de l’entreprise, les échanges réguliers entre juristes et financiers permettent le brassage des connaissances. »

Quoi qu’il en soit, les situations où le juriste doit bien appréhender les règles comptables sont nombreuses et variées. En droit des sociétés, par exemple, il pourra mieux comprendre les mécanismes d’affectation du résultat, identifier une situation de distribution de dividendes fictifs, apprécier la perte de la moitié du capital social ou encore gérer efficacement une acquisition ou cession d’entreprise et la garantie de passif souvent associée. En droit des entreprises en difficulté, ses connaissances lui permettront d’identifier un état de cessation des paiements, et de comprendre les différences entre un abandon de créance et une incorporation de créance au capital.
 

Une science sujette à interprétation
Dès lors se pose la question de savoir quelles sont les notions essentielles au travail et au quotidien du juriste d’entreprise. « Je commencerais par rappeler que la comptabilité, comme l’évaluation financière, n’est pas une science exacte, ce qu’oublient parfois certains juristes et magistrats », signale Pierre-Jean Gaudel. Et de prendre en exemple un commissaire aux comptes qui certifie l’image fidèle de comptes faisant ressortir un résultat de 10 M€. « Dans certains cas, il aurait pu les certifier également avec un résultat de 9 ou 11 M€ ! De même, une valeur d’actif déclarée à l’administration fiscale pour 20 M€ n’est pas forcément fausse parce qu’une autre méthode d’évaluation conduit à 23 M€. »

Par ailleurs, les principales difficultés pour les juristes restent souvent la maîtrise des notions relatives aux comptes consolidés : écart d’acquisition, impôts différés, intérêts minoritaires, sociétés mises en équivalence… « Ces notions sont plus difficiles à maîtriser car elles évoluent sous l’influence du référentiel comptable international, notamment les normes IFRS, et obligent à un effort de suivi de l’actualité, reconnaît Pierre-Jean Gaudel. En matière d’évaluation de préjudices économiques, des efforts pédagogiques restent également à faire pour diffuser les bonnes pratiques, par exemple sur le calcul de la perte de marge sur coûts variables. Il est probable que le juriste sera, un jour, confronté à cette question, en demande ou en défense. » Justement, Pierre-Jean Gaudel va animer une session de formation sur le sujet lors du prochain CAMPUS AFJE 2017.
 

Les notions à connaître
Il paraît important pour un juriste de savoir lire et interpréter les comptes d’une société, de connaître les fondamentaux de l’évaluation d’entreprises et, comme évoqué précédemment, l’évaluation des préjudices économiques. Enfin, la connaissance des engagements hors bilan est essentielle, compte tenu de leur portée souvent significative : clause de retour à meilleure fortune, garantie d’actif et de passif, cautions bancaires, convention de portage, engagements de retraite… « Pour apprécier la santé financière d'une entreprise, si j’étais provocateur, je dirais qu’il ne faut surtout pas regarder ses comptes !, ajoute l’expert. Les comptes ne sont, bien sûr, pas inintéressants mais ils renseignent sur la performance passée de l’entreprise. Le meilleur moyen d’apprécier la performance actuelle et future d’une entreprise est d’analyser ses prévisions d’activité pour l’année en cours et les années à venir. Lorsque celles-ci ne sont pas disponibles, ou insuffisamment fiables, on pourra analyser ses comptes, mais toujours dans une approche dynamique, c’est-à-dire sur plusieurs années, par exemple sur trois ans, et en comparaison avec les performances du secteur. »

Il est également pertinent d’analyser, sur une période de trois ans, le tableau de flux de trésorerie, qui distingue le flux de trésorerie généré par l’exploitation, celui généré par les investissements ou désinvestissements et celui généré par les opérations de financement. Enfin, il faut prendre soin de bien lire l’annexe aux comptes, même si c’est un peu rébarbatif. Ce document détaille les informations comptables non explicitées par le bilan et le compte de résultat afin de fournir une image fidèle aux tiers. « C’est une mine d’informations utiles sur les engagements hors bilan, le carnet de commandes, les perspectives d’activité (utilisées pour les tests de dépréciation d’actifs), les litiges en cours, les variations de périmètre, etc. », explique Pierre-Jean Gaudel.

Pour une remise à niveau, direction le Web où de nombreux sites tentent de vulgariser les notions comptables et financières. Mais aussi les librairies ou les centres de formation, en la matière les formations ne manquent pas. Preuve que le sujet a de l’importance. Surveillez également les sessions organisées par l’AFJE, la thématique pourrait être abordée un de ces jours.


Petit lexique financier
- Besoin en Fonds de Roulement (BFR)
Cet agrégat s’obtient notamment en additionnant les montants des stocks, des créances clients et en soustrayant 
celui des dettes d’exploitation (dettes fournisseurs, fiscales et sociales). Son évolution est à surveiller 
de près car sa hausse consomme de la trésorerie.
- Goodwill (aussi appelé survaleur ou écart d’acquisition)
Le goodwill est la différence entre le prix payé pour une société cible et la somme des valeurs réelles des 
actifs et passifs identifiables de cette société cible. Il correspond, par exemple, à la valeur des synergies 
anticipées lors de l’achat de la cible et/ou à la valeur des parts de marché détenues par elle.
- Excédent brut d’exploitation (EBE), ou Earnings before interests taxes depreciation and amortization (Ebitda)
L'excédent brut d'exploitation est un agrégat fondamental pour apprécier la performance financière d'une société. 
Il est calculé en prenant en compte les produits encaissés ou encaissables (ventes) et les charges décaissées ou 
décaissables (achats, charges externes, impôts et taxes, charges de personnel). Par conséquent, l'EBE renseigne sur 
le niveau de cash-flow que l'entreprise est capable de retirer de son cycle d'exploitation et sa capacité à générer 
durablement de la trésorerie.
- Marge sur coûts variables
La marge sur coûts variables est égale à la différence entre le chiffre d’affaires et les coûts variables. C’est à 
la fois un indicateur de rentabilité, qui permet d’apprécier si l’entreprise réalise un volume d’affaires suffisant 
pour faire face à ses coûts fixes et générer un bénéfice, et un agrégat utilisé en matière d’évaluation de 
préjudices économiques.

 

La comptabilité racontée aux juristes
De Maurice Cozian et Pierre-Jean Gaudel. Préface par Florence Deboissy.
Cet ouvrage a pour ambition de vous faire comprendre et de vous faire aimer la comptabilité, grâce à un style 
imagé et teinté d'humour. Vous y trouverez le rappel systématique des règles fiscales, ainsi que de nombreuses 
ouvertures sur le droit des sociétés. L'ouvrage est organisé en 25 leçons autonomes, illustrées par de nombreux 
exemples qui constituent autant d'exercices, avec leur corrigé. Votre prochain livre de chevet ?
594 pages.
Éditeur : LexisNexis
Parution : janvier 2017.
Prix : 46 €.

 


Publié le 08/11/2017


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