Juriste augmenté

 

Les compétences du juriste augmenté vues par 100 leaders du droit

 

LegalEDHEC, en partenariat avec l’AFJE, a réalisé une étude auprès de 100 leaders du droit afin d’identifier les compétences prioritaires du juriste augmenté. Nous partageons avec vous quelques traits saillants de cette étude.

 

PAR JÉRÔME FRIZZERA-MOGLI ET CHRISTOPHE ROQUILLY
 

Cette étude a été menée avec des objectifs clairs : construire un référentiel de compétences du juriste augmenté1 permettant aux juristes (toutes professions confondues, et donc notamment les juristes d’entreprise) de pouvoir s’auto-évaluer et d’évaluer leurs équipes. Pour les directions juridiques, l’intérêt est de pouvoir construire leur "référentiel maison" sur cette base. Pour l’élaborer, nous avons demandé à 100 leaders qui font bouger le droit (general counsels, directrices et directeurs juridiques, associés en cabinets d’avocats, études notariales,ou d’huissiers, quelques dirigeants, de la legaltech, consultants, chasseurs de tête et professeurs) de classer 150 compétences réparties en trois catégories (compétences digitales, compétences business et soft skills). Pour chaque compétence, ils devaient indiquer si elle est prioritaire ou non pour être recruté, pour performer et progresser ou pour les deux. Nous avons ensuite traité et analysé les résultats afin de déterminer des Top 30,15 et 10, sur trois cibles :

  • les jeunes diplômés et jeunes collaborateurs pour débuter en direction juridique ou en cabinet ;
  • les avocats et professions réglementées souhaitant évoluer vers un statut d’associé ;
  • les juristes d’entreprise souhaitant évoluer vers des postes de management juridique

Dans cet article, nous allons nous concentrer sur la dernière catégorie, tout en insérant néanmoins quelques éléments de comparaison par rapport aux compétences-clés attendues pour être recruté en tant que jeune collaborateur ou évoluer et progresser en cabinet d’avocats.

 

POUR PROGRESSER ET PERFORMER, LES COMPÉTENCES DIGITALES DOMINENT TRÈS LARGEMENT 

Les compétences digitales représentent 74 % du Top 30 (voir encadré ci-contre), les compétences business et les soft skills étant cités à parts quasi-égales. Cinq grandes tendances se dégagent :

  • il faut un peu de "basique" pour être capable de travailler efficacement et de manière efficiente : bureautique et optimisation des contrats, compréhension de ce que sont les technologies disruptives ;
  • une capacité à utiliser des outils pour piloter et développer (sonéquipe, ses projets) en mode agile et mobile (dashboard, knowledge et team management, workflow) ;
     
  • le legal design ne peut être ignoré ;
     
  • savoir identifier, tester, expérimenter et implémenter des outils legaltech, en mode projet ;
     
  • enfin, la prise en compte de la nécessaire compliance : le manager juridique reste un acteur-clé du respect des règles et de la sécurité au service de l’entreprise.

 

Il peut paraître surprenant que les soft skills ne soient pas considérés comme plus importants. Mais il convient de relativiser. En effet, notre étude montre que les soft skills sont très largement prioritaires dans les compétences à détenir pour être recruté. Pour simplifier : le recrutement en tant que juriste d’entreprise exige la détention d’un certain nombre de soft skills, alors que la performance puis la progression dans la carrière exigera l’ajout de compétences digitales. Pour être plus précis, huit skills sur dix dans le "Top 10 pour être recruté" sont des soft skills. Entre autres, sont attendus la capacité à gérer le stress, à donner et recevoir des feedbacks et des directives, à créer la confiance, à montrer l’exemple.

 

Dans le Top 30, les soft skills attendus relèvent de l’intelligence émotionnelle. Une attention toute particulière est portée à la capacité à décider en tenant compte de ses biais cognitifs. Quant aux business skills, deux dimensions apparaissent clairement : le manager juridique doit être à l’aise avec les chiffres pour piloter l’activité de son équipe et inscrire ses actions dans une logique de création de valeur mêmesi celle-ci ne se mesure pas qu’à l’une de données financières). Un mindset stratégique est également indispensable. Savoir inscrire le développement des préconisations et solutions de la direction juridique dans la stratégie de l’entreprise et l’atteinte de ses objectifs, est une compétence-clé. Cultiver son sens de l’analyse stratégique permettra au manager juridique de créer une vraie vision pour la DJ, ce qui donnera du sens à ses actions et lui permettra de mettre en place des KPI réellement utiles, et pas simplement élaborés parce qu’ils sont demandés par la direction. Enfin, savoir analyser et maîtriser les coûts sont des"must have".

Existe-t-il des différences notables entre le Top 30 des directeurs juridiques et celui des associés en cabinet d'avocats et des professions réglementées ? Certains points communs sont à relever : la prise en compte de la nécessaire compliance des outils digitaux choisis et implémentés au sein de la structure d’exercice ; la gestion de ces outils en mode projet ; la vision stratégique et la capacité à élaborer et mettre en œuvre la stratégie ; la capacité à raisonner en termes de création de valeur ; le management des talents et des ressources, tant internes qu’externes, transverses ou non. Mais des différences notables sont aussi à constater. On trouve plus de business skills dans les compétences prioritaires nécessaires en cabinets d’avocats (notamment) qu’en entreprise. Le "tropisme" business woman ou businessman est plus fort. Les associés de cabinets expriment la nécessité d’être entrepreneur pour progresser dans le métier. Mais, contrairement aux directrices et directeurs juridiques, les compétences liées à l’élaboration de KPI ne sont pas jugées comme étant prioritaires.

Le cabinet ne serait-il pas une entreprise comme une autre ? Enfin, il n’y a qu’un seul soft skill dans le Top 30 des professions réglementées. Peut-être parce qu’ils sont fortement attendus en début de carrière et qu’ils sont ensuite considérés comme acquis… Pour conclure, le lecteur sera peut-être surpris que les compétences juridiques soient absentes. Cette absence est logique. En effet, ces compétences font partie de l’intelligence singulière du juriste et elles sont donc un présupposé. Les compétences ici étudiées sont celles qui permettent au juriste de s’augmenter, et donc de passer d’une intelligence singulière et individuelle, à une intelligence multiple et collective.

Pour avoir accès à l’intégralité des résultats, rendez-vous sur https://alll.legal.

 


Publié le 28/02/2020


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