La médiation conventionnelle, efficace mais peu utilisée

La médiation conventionnelle n’est pas encore complètement entrée dans les mœurs des entreprises françaises. Pourtant, les bénéfices de ce mode amiable de résolution des différends sont nombreux : gain de temps, coût maîtrisé, excellent taux de réussite, maintien des relations commerciales… Explications.

Par Carine Guicheteau

 

Le constat consterne : malgré ses nombreux atouts, la médiation conventionnelle est encore largement sous-utilisée par les entreprises. « Cette situation est notamment due à des problèmes de mentalité et de culture, estime Pierre Charreton, fondateur du cabinet de conseil PCC, président d’honneur de l’AFJE et médiateur agréé par le CMAP (Centre de médiation et d’arbitrage de Paris). La résolution amiable est souvent considérée comme un aveu de faiblesse. Les juristes ont parfois tendance à préférer des solutions comme l’arbitrage qui font appel à leur expertise technique. Avec la médiation conventionnelle, ils se sentent dépossédés du dossier. »

« La médiation est un acte d’intelligence, pas de faiblesse », renchérit Sophie Henry, déléguée générale du CMAP. Un effort de pédagogie est donc nécessaire auprès des juristes d’entreprise et des parties prenantes en interne. « Il est de la responsabilité de tous les praticiens du droit, juristes comme avocats, d’assurer la promotion de la médiation, considère François Pinon, administrateur de l’AFJE et médiateur agréé par le CMAP. Face à un contentieux, se poser la question de la pertinence d’avoir recours à la médiation ou non doit devenir un réflexe. Insérer une clause au contrat s’avère fort utile. »


LA MÉDIATION, UN TERME GALVAUDÉ ?

Autre raison avancée pour expliquer le manque d’engouement de la part des entreprises : la confusion qui règne autour de la médiation. « Entre la conciliation, la négociation, les différentes médiations —judiciaire, des entreprises, de la consommation, du crédit…—, les gens et même les juristes d’entreprise se méprennent sur la définition de la médiation conventionnelle », constate Pierre Charreton.

Pour rappel, la médiation, qu’elle soit judiciaire ou conventionnelle, est un processus structuré reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants qui, volontairement, avec l’aide d’un tiers neutre, impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel ou consultatif, alias le médiateur, favorise par des entretiens confidentiels, le rétablissement des liens, la prévention et le règlement des conflits. La particularité de la médiation conventionnelle (article 1532 et suivants du Code de procédure civile) est qu’elle est initiée par les parties, du fait de la présence ou non d’une clause de médiation au contrat.

Alors que la médiation judiciaire (article 131-1 et suivants du Code de procédure civile) est une mesure ordonnée par le juge civil ou commercial avec l’accord préalable des parties.
 

UNE SOLUTION RAPIDE ET ÉCONOMIQUE

Enfin, il est difficile d’obtenir le nombre de médiations menées en France et l’évolution des pratiques, car, par nature, la médiation est confidentielle. Il n’existe par ailleurs aucun chiffre au niveau national. Seul le CMAP publie des statistiques… qui sont d’ailleurs édifiantes ! Ainsi, la médiation conventionnelle affiche un taux de réussite quasi insolent : 82 % des médiations conventionnelles débouchent sur un accord. « La médiation est particulièrement adaptée pour les entreprises qui, malgré leur différend, souhaitent poursuivre leur relation commerciale, expose Sophie Henry. Elle peut s’appliquer à tout type de litiges : inexécution ou rupture abusive des contrats, concurrence, conflits sociaux, fusions-acquisitions, IP... Et ce, que le litige soit en interne ou en externe. »

« Contrairement aux idées reçues, la médiation n’est pas réservée aux litiges de faible importance, balaye Pierre Charreton. Au contraire, elle se prête particulièrement bien aux conflits où les enjeux sont significatifs. C’est même là qu’elle a le plus de sens, qu’elle est la plus nécessaire et la plus utile. »
Néanmoins, tous les dossiers ne se prêtent pas à la résolution amiable par médiation. « L’entreprise peut rechercher à faire jurisprudence, souhaiter trancher une question par voie judiciaire pour faire respecter un principe », signale Pierre Charreton.

Le taux de réussite n’est pas le seul avantage de la médiation conventionnelle qui s’impose comme une véritable alternative à la procédure judiciaire. « Passer par un procès est bien souvent un engagement perdant-perdant, estime Pierre Charreton. Même en cas de succès, c’est une victoire à la Pyrrhus. La balance économique en termes de temps, d’argent et de relation commerciale ne penche pas pour la procédure contentieuse. Le temps judiciaire est rarement adapté à la vie des affaires ! Par ailleurs, la médiation supprime l’aléa judiciaire. »

Pour François Pinon, la médiation présente l’avantage de n’avoir aucun inconvénient ! Comme Pierre Charreton, il loue la rapidité et l’avantage financier. En effet, une médiation coûte, dans 44 % des cas, entre 3 000 et 6 000 €, selon le CMAP. Une médiation sur trois revient même à moins de 3 000 € ! Coût qui est, en général, partagé équitablement entre les parties.

Bénéfice complémentaire, « dans la mesure où les parties coconstruisent et choisissent leur solution, le taux d’exécution est très élevé », constate Caroline Sandler-Rosental, avocate et médiatrice agréée par le CMAP. Il est toutefois possible de faire homologuer par le juge l’accord transactionnel issu de la médiation afin de lui conférer, si nécessaire, une force exécutoire. Mais, l’accord perd alors son aspect confidentiel.

Enfin, « il y a un grand principe de la médiation qui ne doit pas être oublié car il est capital : la liberté, la liberté d’arrêter à tout moment le processus, rappelle Caroline Sandler-Rosental. L’effet suspensif du recours à la médiation est, par ailleurs, rassurant. En cas d’échec, les voies de recours judiciaires demeurent ouvertes aux parties. »

 

 

Zoom sur le process d'une médiation

Après avoir posé le cadre de la médiation, le médiateur, grâce à une méthodologie éprouvée, va aider 
les parties à établir un contexte de communication propice à la restauration du dialogue. 
« Il me paraît important que les parties soient accompagnées de leurs conseils, avocat ou juriste d’entreprise,
dès le début du processus, préconise Caroline Sandler-Rosental, avocate et médiatrice agréée par le CMAP. 
Il me paraît préférable, en effet, d’associer les juristes ou avocats des parties au processus de bout en bout
plutôt que de les solliciter à la fin des échanges pour la seule rédaction du protocole transactionnel. 
Ils pourront comprendre le déroulé de la médiation et le cheminement vers les solutions retenues, 
aider les personnes à s’exprimer quand cela est nécessaire et les conseiller juridiquement. » 
Au début du processus, les parties sont invitées à exposer les faits, à s’exprimer sur les raisons du conflit 
ou des difficultés rencontrées. « Les parties doivent se mettre d’accord sur leur 
désaccord, explique Caroline Sandler-Rosental. Le rôle du médiateur est notamment d’amener chaque partie 
à entendre et à reconnaître l’existence des problèmes et des besoins de l’autre partie. C’est une étape essentielle 
au cours de laquelle les émotions jaillissent (colère, haine, tristesse, regret, ressentiment…). Ce n’est qu’ensuite 
qu’une seconde phase plus créative, de recherche et d’élaboration des diverses solutions, peut commencer. »

Publié le 23/07/2019


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