Les juristes d'entreprise sont légitimes à interroger les présidentiables

 

Marc Mossé: « les juristes d'entreprise sont légitimes à interroger les présidentiables »

le 19 avril 2017 - Jean-Paul VIART - Droit - Actualité du droit

Marc Mossé:  « les juristes d'entreprise sont légitimes à interroger les présidentiables »

AFJE

A quelques jours du premier tour de la Présidentielle, Marc Mossé, directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft et vice-président de l'AFJE, revient sur l'interpellation des candidats par l'association, notamment à travers l'organisation d'un Grenelle du droit au terme des prochaines échéances électorales.

Affiches Parisiennes : Récemment, l'AFJE a formulé une série de propositions destinées aux candidats à la Présidentielle. Pouvez-vous nous dire pourquoi l'association a pris aujourd'hui une place importante dans la vie des entreprises ?

Marc Mosse : L'AFJE, qui a été créée en 1969 et qui regroupe plus de 4500 juristes d'entreprise sur les quelque 18 000 exerçant en France et à l'étranger, représente une profession qui occupe aujourd'hui une place stratégique, à la fois dans l'entreprise et dans la vie économique. C'est le rôle d'une association qui représente des acteurs importants de la vie de la cité d'interpeller les candidats à la fonction suprême de l'Etat pour les interroger sur un certain nombre de sujets qui nous paraissent essentiels, autour du droit et de notre profession. C'est d'autant plus important que le droit est un outil indispensable à la vie économique et, au-delà, à la cohésion de la Nation et même de la communauté internationale, ainsi que tout le monde le constate aujourd'hui. Des acteurs comme les juristes d'entreprise sont donc légitimes à interroger les présidentiables sur les grandes questions qui touchent au développement du droit dans notre pays et à leur profession.

A.-P. : L'AFJE s'interroge sans doute sur les modalités du Brexit. Comment les voyez-vous ? Comme une opportunité ou, au contraire, comme un danger pour les entreprises françaises et pour notre droit ?

M. M. : Sur la plateforme présidentielle, nous rappelons à plusieurs reprises que le droit est un facteur de compétitivité de l'économie et de l'attractivité de notre territoire. Nous considérons donc effectivement que le Brexit – dont nous ne savons pas exactement aujourd'hui comment il va produire ses effets – nous conduit à demander aux candidats quelles mesures ils entendent prendre pour que, précisément, l'attractivité de notre pays et de notre droit, et donc la compétitivité de la France, soient renforcées dans un moment où demeurent beaucoup d'incertitudes et où les opérateurs ont besoin de repères. Il nous paraît important qu'un certain nombre de mesures soient prises pour que les acteurs français puissent prendre toute leur place au moment de la mise en œuvre du Brexit.

Voilà notamment pourquoi nous revenons sur notre demande de reconnaissance de la confidentialité des avis pour les juristes d'entreprise, afin que nos entreprises soient placées sur un pied d'égalité et que cette mesure constitue un signal fort pour les investisseurs, assurant que le niveau des garanties juridiques est de même nature en France que dans la majorité des autres pays de l'Union européenne, ou qu'aux Etats-Unis. Nous portons aussi un certain nombre de suggestions sur la sécurité juridique en limitant, par exemple, la tentation régulière de rétroactivité fiscale. Nous formulons des propositions pour qu'il y ait une plus grande stabilité de la règle de droit. Nous demandons, ainsi, un renforcement du rôle des études d'impact dans le cadre du processus législatif pour éviter le bavardage de la loi et l'empilement des textes. Nous proposons que pour répondre au double besoin de protection et d'innovation si fort dans nos sociétés, on utilise davantage la possibilité du droit à l'expérimentation, prévu par la Constitution mais qui reste sous-utilisée. Il faut être créatif, inventif pour trouver cet équilibre permanent. Nous avons quelques solutions originales que nous mettons sur la table.

Toujours dans la ligne de cette implication des juristes d'entreprise, nous appelons à ce que la soft law se développe un peu plus et que l'ensemble des parties prenantes, dont notre profession évidemment, soit davantage impliquée. Voilà quelques éléments que nous voulons très concrets, très pragmatiques, afin de renforcer la compétitivité et l'attractivité de la France.

A.-P. : Le rapport Haeri, sorti récemment, se positionne clairement pour l'avocat en entreprise et pour la création d'une grande profession du droit. Pensez-vous que les juristes d'entreprise devraient être inscrits au barreau ?

M. M. : Le travail de la commission Haeri nous paraît très important. Il s'inscrit dans la ligne de précédents rapports, en étant néanmoins plus innovant et plus audacieux sur beaucoup de points. Il ose aborder clairement les questions qui se posent sur le futur de la profession dans un monde en pleine mutation. Ce qui est intéressant dans cette démarche, c'est que pour répondre aux questions de la grande profession du droit, de l'avocat en entreprise et de la confidentialité des avis, le rapport se projette vers l'avenir, en soulignant que cette évolution bénéficiera à l'ensemble des professionnels, juristes et avocats notamment, et au droit français in fine. Nous supportons donc ce travail porteur, à nos yeux, d'une évolution logique et ambitieuse.

En réalité, la question qui se pose aujourd'hui est moins de savoir si ces propositions se concrétiseront, que de savoir quand et comment. Tout le monde comprend que cela va se faire, même ceux qui feignent de l'ignorer. Il faut donc que cela se réalise dans de bonnes conditions et le plus vite possible. C'est l'intérêt de tous et notamment des jeunes juristes et avocats. Ils sont l'avenir. Il faut surtout penser au futur des jeunes générations et moins à préserver la situation des rentiers et autres « professionnels de la profession ».

Voilà pourquoi nous appelons, dans notre plateforme présidentielle, à un grand Grenelle du droit qui pourrait réunir, sous les auspices du nouveau Gouvernement, l'ensemble des professionnels du droit, les juristes, les avocats, les Universités, Sciences Po et son école de droit, pour réfléchir à ce que peut être cette grande profession, la formation des juristes et des avocats. Cela pourrait passer par l'accent mis sur l'apprentissage dès l'université, sur des stages obligatoires à l'étranger, sur de nouvelles compétences qui ont trait au management, à la communication, et, last but not least, sur cette compétence fondamentale qu'est désormais l'usage du numérique... Nous devons tous réfléchir à ce que doit être le juriste de demain dans le cadre d'une grande profession.

Notre approche est très inclusive et pas du tout corporatiste. Il faut que les professions du droit, au-delà de leurs différences qui fait leur richesse, contribuent à cette cohésion de la Nation dont je parlais précédemment. C'est pourquoi, enfin, il est essentiel que nous travaillions sur ce qui nous rassemble, et donc sur la mixité sociale et de genre, pour que nos professions reflètent pleinement la diversité de la société.

 

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Publié le 17/04/2017