Marc Mossé, président de l'AFJE

 

 

 

Discours de Marc Mossé pour sa prise de fonction à l’occasion des 50 ans de l’AFJE


Je ne laisserai personne dire que 50 ans n’est pas le plus bel âge de la vie !

Au moment de célébrer l’anniversaire des 50 ans de l’AFJE, nous pouvons être heureux du chemin parcouru et de la vitalité de notre association.

Merci donc à vous toutes et tous d’être présents à nos côtés pour célébrer ce moment important dans l’histoire de notre organisation et aussi dans la vie des professions du droit.

Merci madame la Ministre de la Justice de nous faire le grand honneur de votre présence au nom du Gouvernement,

Merci monsieur le Premier Ministre, cher Bernard Cazeneuve, de votre fidélité à nos activités et de votre engagement constant pour faire du droit un outil stratégique,

Merci Madame la bâtonnière, chère Marie-Aymé Peyron et Madame la Présidente du CNB, chère Christiane Féral-Schuhl, qui en étant ici avec nous, dites nos liens si forts avec les avocats,

Merci monsieur le Président Canivet, de votre soutien permanent et de votre action incessante pour le rayonnement de notre droit au service de la compétitivité,

Merci monsieur l’Ambassadeur de France, Pierre Sellal, d’avoir rappelé aujourd’hui combien l’Europe est un horizon essentiel pour notre pays,

Merci Bernard Spitz d’être là au nom du MEDEF et d’avoir porté la voix du monde économique lors de notre colloque de ce jour,

Merci Madame la députée Laetitia Avia de nous avoir rejoint ce soir et de marquer l’intérêt de la représentation nationale pour les juristes d’entreprise,

Merci cher Nicolas Guérin pour ta mobilisation à nos côtés au service de notre profession,

 

Merci enfin, oui un grand merci, à Stéphanie. Je veux le dire devant cette belle assemblée : j’ai été très heureux de travailler à tes côtés et en particulier cette dernière année comme « dauphin » - oui chères Marie-Aymé et Christiane voilà une autre proximité entre nous -, et je veux saluer aujourd’hui ton engagement, ta passion et ton dévouement au service de notre métier. Ton mandat aura permis de belles avancées. Merci à toi !

L’AFJE est avant tout une aventure humaine formidable.

*

Son succès s’est construit au fil des années, dans la continuité de l’action des présidentes et présidents successifs, nombreux au premier rang ce soir et que je veux aussi saluer, et de leur conseil d’administration. 50 ans de vrai travail d’équipe, avec des administrateurs engagés et de formidables permanents dévoués. 50 ans d’une histoire où les délégations régionales ont pris une place de plus en plus importante et maillent l’ensemble du territoire de façon dynamique. 50 ans d’une construction où les jeunes juristes se sont affirmés comme une force de proposition et d’action avec notamment le Comité des Jeunes Juristes.

 

Nous fêtons ainsi l’Histoire d’une association qui est la principale organisation représentative des juristes en France. En 2018, le Premier ministre est venu conclure les travaux du Grenelle du droit et en ce début 2019, vous nous faites donc l’honneur, Mme la Ministre, d’être à nos côtés. C’est une reconnaissance de la légitimité incontestable de l’AFJE et des juristes d’entreprise au cœur du paysage du droit.

 

Dans un esprit de continuité et d’innovation, nous irons encore plus loin sur les pistes tracées au cours de ce demi-siècle et engagerons bien sûr de nouveaux chantiers.

Je me contenterai, à cet instant, de citer 4 piliers de nos ambitions.

 

D’abord, la construction de la grande communauté des juristes doit se concrétiser au plus vite car elle est une chance pour nos métiers et sera inclusive.

 

Le Grenelle du droit l’a démontré, il est urgent de poursuivre le travail en direction de la construction et de l’affirmation d’une grande communauté française du droit, et donc nécessairement d’une grande communauté unie des juristes. Celle-ci est essentielle à nos yeux, et ce pour au moins deux raisons. Elle est fondamentale pour consolider et garantir l’Etat de droit en France et en Europe. Les juristes d’entreprises sont aussi au premier rang lorsqu’il s’agit de promouvoir les principes fondamentaux. C’est particulièrement essentiel à rappeler par les temps présents. Nous le voyons, le sentons, l’Etat de droit exige une mobilisation des professionnels du droit, rassemblés. Elle nous permettra aussi d’affirmer davantage le rôle du droit dans la compétitivité des entreprises françaises et l’attractivité de notre pays et de l’Europe. C’est une priorité que nous allons continuer d’assumer pleinement.

 

La création d’une grande profession du droit est en réalité inéluctable. La question n’est d’ailleurs pas de savoir si cette jonction vertueuse se fera, mais quand elle se fera. Sur ce dossier, nous voulons continuer de travailler en étroite harmonie avec les organisations représentatives des avocats. C’est un enjeu qui n’est en rien corporatiste, mais bien une véritable opportunité tant pour la place et le rôle du droit dans notre pays que pour la compétitivité du droit français et donc de nos entreprises. Cela bénéficiera à la fois aux avocats et aux juristes, et je pense particulièrement aux jeunes professionnels qui nous rejoignent avec enthousiasme et ne comprennent pas toujours les silos inutiles. Nous devons leur préparer un cadre adapté aux transformations de notre environnement.

 

C’est notre devoir.  

 

Avant l’avènement logique de l’avocat en entreprise, la première étape sera peut-être et d’abord la reconnaissance du principe de confidentialité. Aujourd’hui, on voit bien que ce sujet est abordé de façon plus sereine et pragmatique et que l’on est en situation d’avancer de manière apaisée. Si certaines garanties semblent encore nécessaires pour rassurer, nous sommes bien entendu prêts à les apporter, comme nous le sommes depuis le début. D’un point de vue économique, ce serait, en tout cas, un levier puissant pour développer le marché du droit ce dont tous les professionnels devraient se satisfaire.

 

Il y a quelques minutes, Stéphanie évoquait les premiers pas de l’homme sur la lune en 1969. Il y a 50 ans. C’était, Madame la Ministre, le 21 juillet. Permettez-moi de glisser l’idée que le 21 juillet 2019 serait une date parfaite pour un nouveau petit pas, un grand pas pour la Communauté des juristes.

 

Ensuite, la formation, initiale et continue, est cruciale et au centre de nos activités car elle contribue à consolider ce socle de valeurs communes aux juristes.

 

Nous allons donc continuer à nous investir pour faire évoluer la formation initiale, pour qu’elle soit mieux adaptée aux nouveaux enjeux et aux besoins des juristes d’aujourd’hui et du futur, et d’abord dans le champ de l’expertise juridique qu’il s’agisse de celle classique que l’on rencontre dans la vie des opérateurs économiques, ou bien de celle liée aux nouveaux chantiers tels, par exemple, la conformité, la RSE, le devoir de vigilance, la protection des données, la cybersécurité...

 

C’est pourquoi, la formation continue est tout aussi importante à nos yeux. C’est d’ailleurs, l’une des grandes réussites de l’AFJE ! Nous avons investi en ce domaine parce que les juristes doivent maîtriser tout un champ de compétences en constante évolution, tout en développant de plus en plus de soft skills, allant du travail collaboratif à la gestion en mode projet, en passant par la capacité de bien communiquer en interne et en externe. Evidemment, la formation au numérique est centrale dans nos programmes. Les legaltech sont là et il est indispensable que les juristes apprennent à travailler avec l’intelligence artificielle. L’AFJE a beaucoup œuvré pour que la transformation digitale soit perçue comme une chance et non une menace. Les juristes peuvent en profiter pour rendre leur métier encore plus utile en déplaçant leur valeur ajoutée sur les tâches les plus intéressantes, les plus stratégiques. Et c’est vrai quelle que soit la taille de leur entreprise ou du cabinet. C’est pourquoi la formation initiale et continue est si importante. Quoi de plus excitant que d’être à la fois un business Partner créatif tout en sécurisant les opérations des entreprises : le droit est un élément de plus en plus structurant de la vie économique et dès lors le juriste est au centre des tensions et aussi des solutions existantes.

 

Tout cela est passionnant et fait que notre métier est parmi les plus excitants qui soient, les plus glamours dit un récent classement !

 
Parler de formation, c’est aussi, pour nous juristes d’entreprise, inclure la question de la déontologie. Nous allons donc accélérer sur ce sujet aussi. Il nous apparaitrait logique que la déontologie soit enseignée en tronc commun dès le niveau Master à l’Université, donnant ainsi aux enseignements ultérieurs de déontologie propres à chaque profession une base plus solide encore. Nous souhaitons aussi faire en sorte que les recruteurs considèrent l’adhésion à notre code de déontologie un critère de choix dans leurs propositions de candidats.

 

Ces sujets reposent sur une attention particulière au développement d’une culture commune que nous partageons et voulons renforcer ; un socle de valeur communes aux professions du droit et particulièrement aux juristes d’entreprise et aux avocats.

 

Cette culture commune nous rend également légitime à agir au service de l’Etat de droit et de la compétitivité des entreprises. 

 

La fabrique du droit est donc logiquement notre troisième chantier important.

 

Les juristes sont particulièrement bien placés pour faire part de leur expertise dans la fabrique du droit, le plus en amont possible, ce qui veut dire, par exemple, dès les études d’impact. L’idée est aussi d’avoir une stratégie plus proactive en travaillant sur les améliorations souhaitables du cadre juridique de l’économie. Qui mieux qu’un juriste d’entreprise peut dire ce que sont les malfaçons de la loi, les perfectionnements possibles et proposer des remèdes, fondés sur son expérience, avec une vision précise et pragmatique. Cette participation à la fabrique du droit inclue de nouveaux outils dont, notamment, la soft lawet les médiations permettant une gestion efficace de la sécurité juridique et opérationnelle des activités économiques.

 

L’AFJE vient d’ailleurs d’ouvrir un bureau à Bruxelles. Cette volonté d’être ainsi présents auprès des institutions européennes vise à renforcer la représentation de notre profession et de la communauté des juristes. Faire évoluer certains sujets exige une approche européenne et transnationale. L’activité de régulation est au centre de la vie du triangle des institutions européennes. Les juristes doivent en être les interlocuteurs naturels afin de contribuer à la fabrique du droit de l’Union. Le sujet du code européen des affaires désormais sur la table est une parfaite illustration de la façon dont on peut utilement impliquer notre communauté. Les Français et les Allemands sont très allants sur ce thème et d’ailleurs le traité d’Aix la Chapelle aborde la question de la coopération juridique. Ce qui montre qu’il faut agir tant à Bruxelles que dans les capitales. Quand il est question de compétitivité et d’attractivité économique, la voix de la communauté des juristes est essentielle car la régulation ne peut pas être une activité hors sol.

 

Oui le juriste est un acteur de la société.

 

Enfin, la responsabilité sociale et sociétale des juristes doit être pleinement réaffirmée.

 

L’AFJE est déjà et doit être encore plus ancrée et connectée avec la société prise dans toutes ses dimensions. C’est pourquoi, nous sommes attachés à faire du développement de nos actions en faveur de la diversité une priorité. L’égalité des carrières et des salaires doit être une préoccupation constante dans notre univers des professions juridiques. Les juristes ont beaucoup de choses à dire sur ce sujet et plus encore à faire. Ainsi, nous souhaitons faire de la diversité un élément de nos attentes de la part des professionnels du recrutement en gardant à l’esprit que la diversité est plus large que la seule question du genre et concerne aussi, notamment, le sujet du handicap, des orientations personnelles… Respect et dignité sont au cœur de notre culture de juriste. De même, comme cela a été largement dit pendant le Grenelle du Droit, l’idée que les juristes d’entreprise s’emparent des actions pro Bono gagne du terrain. C’est un sujet qui nous tient à cœur et sur lequel nous devrions avancer rapidement. Des expérimentations ont déjà eu lieu, et certaines directions juridiques sont très actives en ce domaine. En tant que juristes d’entreprise, nous voulons et pouvons apporter un savoir-faire utile à l’intérêt général et à ceux qui ont besoin d’aide pour se mouvoir dans un monde où parfois l’accès aux droits est l’une des difficultés à surmonter pour s’affirmer dans la société.

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Au moment de conclure, en pensant au remarquable colloque qui a occupé notre journée, il est impossible d’ignorer le rendez-vous que nous avons avec l’avenir de nos démocraties et notamment en Europe ?

 

Il était logique, en effet, de nous interroger sur la question de la place du droit comme élément d’intégration de notre continent et de compétitivité de nos entreprises. Rien de plus nécessaire que de questionner la place et le rôle de l’Union Européenne dans l’apparent désordre du monde. Porter une réflexion sur la place et le rôle du droit dans la construction d’un grand marché unique et de la souveraineté européenne, c’est nécessairement voir le droit comme un outil au cœur de la géopolitique, un élément du dialogue entre les Etats et les parties prenantes. Dans un monde en tension, alors que le multilatéralisme est remis en cause par certains et que les questions de gouvernance internationale sont soumises à des incertitudes, il est essentiel que l’instrument juridique fasse l’objet d’une réflexion stratégique. C’est pour les juristes, et en particulier les juristes d’entreprise, un champ d’action privilégié. Nous le voyons et le pratiquons tous les jours dans nos entreprises, et ce en lien avec nos avocats.

 

Nous partageons toutes et tous, cette conviction que le droit est un outil permettant de contribuer fortement à la compétitivité et à la croissance.

 

La 4ème révolution industrielle, comme toutes les révolutions industrielles avant elle, bouleverse beaucoup de nos cadres d’actions et de pensées. C’est une raison majeure pour que le Droit prenne une place centrale car il est un instrument d’harmonie et de cohérence. Il doit occuper à l’avenir une part encore plus substantielle dans la culture des décideurs publics et privés, dans celle des opérateurs économiques français et européens. La révolution industrielle portée par le numérique nous oblige à imaginer et établir les régulations utiles mais sans brider l’innovation. La puissance des algorithmes, la place de l’intelligence artificielle posent de formidables questions. Il nous faut y répondre. Comme toutes les grandes révolutions industrielles, celle-ci charrie son lot de transformations profondes avec ses incertitudes et ses risques, rebat les cartes et inquiètent ceux qui sont insuffisamment armés pour trouver leur place dans le monde qui vient. Arrive alors inévitablement le moment où il faut embrasser l’impérieux besoin de refonder le contrat social et économique ; et ce temps venu est une immense opportunité pour les juristes car le juriste est un producteur de sens.

Soyons-en conscients au moment de penser à cette communauté des juristes et du droit que nous souhaitons bâtir ensemble.


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Madame la Ministre, il y a 50 ans, en 1969, Léo Ferré chantait pour la première fois : « c’est extra ».

50 ans plus tard, en 2019, plus que jamais nous pouvons être heureux et fier de dire haut et fort, et pourquoi pas chanter, que le juriste d’entreprise et au-delà, la communauté des juristes rassemblée, oui c’est extra !


Publié le 10/06/2019


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