Présidentielle 2017

 

18 avril 2017 

 

Les candidats à l'élection présidentielle Emmanuel Macron et François Fillon ont répondu aux propositions de l'AFJE.

Retrouvez ci-dessous leurs réponses à télécharger: 

  • Réponse de François Fillon : ici
  • Réponse de Emmanuel Macron : ici

 

 

                                                                                                                                            

 

23 mars 2017

Assorties d’une lettre et d’une remise dans leur contexte économique et juridique, les propositions ci-dessous ont été adressées aux candidats suivants : François Fillon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. L’objectif est de susciter le débat et d’obtenir un engagement de leur part quant à la mise en oeuvre de ces mesures essentielles pour l’attractivité du droit français et à renforcer l’employabilité des professionnels du droit en sortant des visions corporatistes qui pénalisent la force du droit français.

 

PROPOSITIONS DE L’AFJE POUR L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE DE 2017

 

L’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE), créée en 1969, regroupe 5000 juristes et directeurs juridiques sur les 18000 exerçants en France et à l’étranger. Les juristes d’entreprise jouent un rôle de plus en plus important dans la société et dans l’économie. Notre profession occupe, à cet égard, une place stratégique dans la vie de la cité, dans l’entreprise et les services publics.

 

Aussi, il est de notre devoir de défendre une vision ambitieuse et moderne du droit français, loin de toute logique corporatiste.

Aujourd’hui plus que jamais, c’est indispensable.

 

D’abord, parce que le droit est un outil indispensable pour la cohésion de la Nation. Sans État de droit fort et respecté, il est vain de prétendre à la promesse de notre devise républicaine. Nos concitoyens y sont attentifs. Ils l’exigent. Au-delà, l’éthique des affaires, la responsabilité sociale des entreprises, la conformité à la règle et à la norme sont des préoccupations constantes des juristes français. Ils y œuvrent constamment dans le quotidien de leur exercice professionnel. Le droit français doit les aider dans cette tâche.

 

Ensuite, la compétitivité de notre économie, de nos entreprises - en plein Brexit et alors que la globalisation ouvre des nouveaux champs de frictions et risque de connaître les replis du protectionnisme - exige que le droit et le système juridique français placent nos opérateurs économiques au moins sur un pied d’égalité avec leurs concurrents. Le droit français a joué un rôle majeur dans la construction européenne ; il doit demeurer une référence alors que l’UE aborde un moment singulier de son histoire.


Enfin, l’attractivité du droit français est indéniablement un moyen de renforcer l’attractivité de notre pays pour les investisseurs notamment à l’heure du Brexit. La capacité de la France à peser en Europe et dans le monde passe aussi par un droit favorisant l’innovation et la croissance en même temps que la sécurité juridique et la protection de l’ensemble des parties prenantes.

 

Les propositions qui suivent ne sont pas exhaustives, mais elles peuvent contribuer à la réalisation de ces objectifs.

 

Vous êtes candidat à l’élection présidentielle. A l’instar des autres prétendants à la magistrature suprême de notre pays, nous vous demandons de prendre un engagement clair et précis de mettre en œuvre ces mesures. Si, par extraordinaire, vous vous opposiez à toutes ou à certaines d’entre elles, il conviendrait que vous en explicitiez les raisons. En effet, nous rendrons publiques vos réponses - ou votre absence de réponse – sur notre site internet et dans notre revue mensuelle « JEM – Juriste d’Entreprise Magazine » publiée à 5000 exemplaires en papier et mise en ligne. Elles seront également adressées aux entreprises, aux universités, Institut d’Etudes Politiques…

 

Nous adresserons évidemment vos réponses à l’ensemble de nos membres et à leurs entreprises.

 

Nous vous remercions par avance de votre contribution sur ces sujets importants pour notre pays et demeurons à votre disposition si vous souhaitiez explorer plus avant certains aspects ou propositions.

 

1 – Compétitivité du droit français : protéger la confidentialité des avis juridiques internes dans les entreprises françaises.

 

C’est une mesure importante et facile à mettre en œuvre immédiatement pour renforcer la compétitivité des entreprises françaises et l’attractivité de notre droit dans la mondialisation. Rendre confidentiels les avis des juristes d’entreprise[1], proposition que le récent et très novateur rapport de Maître Kami Haeri sur l’avenir de la profession d’avocat[2] recommande également, aura pour conséquence de placer les entreprises françaises sur un pied d’égalité avec leurs concurrentes. En effet, la très grande majorité des juristes d’entreprise dans le monde bénéficient de cette garantie pour leurs avis juridiques, comme celle qui existe pour les avis donnés par les avocats externes mais qui en France ne s’étend pas aux avis internes, ce qui peut pénaliser gravement l’activité et les échanges souvent sensibles au sein des acteurs économiques français dans un monde où le droit a une place de plus en plus sensible, notamment dans la concurrence de l’économie globalisée. C’est aussi un moyen nécessaire pour que la mise en œuvre des programmes de conformité prévus par la loi Sapin II, programmes de lutte contre la corruption et les pratiques contraires à l’éthique et aux droits fondamentaux puissent être pleinement efficace. Une telle décision, facile à prendre, sans coûts pour les finances publiques, protégera l’emploi et la compétitivité du droit français en évitant que des entreprises françaises ajoutent cet élément pour installer leur siège ou direction juridique ou générale ailleurs qu’en France et que les entreprises françaises ne cherchent dans l’implantation de leur direction juridique et générale à l’étranger une protection légitime que le droit français leur refuse. Ces délocalisations des fonctions juridiques favorisent ensuite l’appel aux cabinets étrangers des pays où se trouvent ces directions, et donc l’utilisation du droit étranger, le recours aux juridictions étrangères, et à l’emploi de juristes internes de formation étrangère le tout au détriment de notre droit. [3]. Enfin, ce sera la première pierre vers la grande profession du droit désirée par tous ceux tournés vers l’avenir des jeunes juristes et avocats pour que les professionnels du droit pensent davantage à former un front uni - comme le font les professionnels anglais - pour défendre leur place plutôt que de se perdre dans de vaines et mortifères querelles corporatistes. 

 

2 - Attractivité de la France : moderniser la fabrique du droit français pour plus de sécurité juridique

 

Le problème de l’insécurité juridique et fiscale, maintes fois dénoncé et depuis longtemps, n’est toujours pas réglé. Les armoires sont pleines de rapports savants qui le fustigent. Dès lors qu’un consensus existe, il faut le traduire en droit. Dans une société qui exige protection et innovation, il faut une réforme institutionnelle[4] qui favorise le mouvement de simplification et de dynamisation du droit garantissant les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. C’est un enjeu crucial pour l’attractivité de notre droit et de notre économie.

 

La rétroactivité des lois fiscales doit être encadrée plus strictement empêchant toute disposition fiscale défavorable au contribuable – personne physique ou personne morale - sauf à clarifier une situation juridique trouble ou confuse, à annuler des situations juridiques caduques ou à satisfaire des motifs impérieux d’intérêt général sous réserve d’un contrôle de proportionnalité.

 

Par ailleurs, aucune loi ne pourra porter deux fois sur un même sujet au cours d’une même législature sans qu’une étude d’impact – incluant l’impact économique, social et l’éventuelle malfaçon constitutionnelle - ait été soumise à un vote préalable impératif des Commissions permanentes compétentes au fond, au sein des assemblées parlementaires.

 

La suppression du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) est envisageable mais devra se traduire par un renforcement des pouvoirs de contrôle du Sénat sur l’exécution des lois. Pour substituer le CESE, il serait novateur de faire entrer les citoyens dans la fabrique de la loi via, par exemple, une désignation par tirage au sort sur les listes électorales de 50 citoyens appelés ainsi à siéger au Sénat aux côtés des sénateurs élus pour une période de 3 ans non renouvelable.

 

Ensuite, le droit à l’expérimentation permis par l’article 37-1 de la Constitution doit être davantage utilisé de manière à établir les régulations nécessaires tout en favorisant l’innovation. Ce peut être particulièrement utile dans les secteurs liés à la transformation numérique, à la transition écologique, ou bien encore pour moderniser le droit de l’emploi.

 

Enfin, le développement de la soft law doit être un moyen de faire participer plus largement toutes les parties prenantes dont les juristes à la création de la norme.

 

3 – Organisation de la Justice 

 

L’image et l’efficacité de l’institution judiciaire sont clés dans un Etat de droit et favorisent l’attractivité d’une place juridique.

 

L’indépendance de la Justice doit être définitivement garantie par le vote de la loi constitutionnelle alignant les conditions de nominations des membres du parquet sur celles des juges du siège[5] (au moins avis conforme du CSM).

 

Une part importante de la justice économique se traite dans le cadre de la justice commerciale consulaire. Il est urgent de la doter des moyens adaptés à ses missions pour qu’elle soit plus performante et attractive au bénéfice de l’écosystème des entrepreneurs. A l’instar de mécanismes similaires, tels ceux existants pour les élus, devrait être instauré un crédit d’heures annuels pour que les juristes d’entreprises puissent se former et exercer le mandat de juge consulaire. A cet égard, il importe de renforcer l’expérience de terrain de ces juges par un effort de formation continue.

 

Le développement de la numérisation de la justice grâce aux potentialités du Cloud computing, doit être une priorité pour faciliter l’accès au droit pour tous les justiciables dont les PME, rétablissant ainsi une égalité entre les territoires, et pour réduire les délais de traitement des affaires tout en réduisant les coûts pour le budget de l’Etat : dématérialisation des procédures, règlement des petits litiges en ligne, création d’un portail unique pour l’ensemble des juridictions, …

 

En parallèle, il convient de développer les modes alternatifs de règlements des conflits dont la médiation. Déjà présent dans notre droit, il s’agit d’en faire un moyen renouvelé de gestion de la vie économique. Le recours à des procédures de médiation en ligne pour les petits litiges commerciaux doit être envisagé : le développement d’une plateforme dédiée doit être imaginée avec les barreaux locaux, les représentants des juristes et les universités.

 

4 -   Organiser un Grenelle des professions du droit : pour favoriser l’employabilité de la filière

 

Le Rapport Haeri a montré la nécessité de penser le futur de nos professions. Les représentants des juristes d’entreprises, avocats, universitaires doivent se réunir avant 2018 pour établir une loi de programmation de l’employabilité des professionnels du droit en France. Cette réunion devra aborder la question de la formation initiale et continue pour rendre possible les passerelles tout au long des carrières et donc la création de la grande profession du droit. Elle doit favoriser l’insertion et la mobilité tout au long de la carrière des étudiants en rapprochant l’université de l’entreprise, accroitre l’apprentissage dans la filière droit et sensibiliser le corps enseignant à la réalité du droit dans l’entreprise en y incluant des formations au management et à la communication. Il est essentiel de former les juristes au digital afin d’anticiper la transition numérique des métiers du droit dès l’Université. Renforcer la capacité des étudiants français en droit dans leur capacité linguistique et leur compréhension interculturelle en rendant obligatoire, à l’instar de Science Po ou des écoles de commerce, des stages à l’étranger dès la 2ème année et, en tout état de cause, au moins avant le Master 2. Cela signifie une organisation renforcée des universités autour de leurs missions de partenariat avec le monde économique et donc d’insertion des étudiants.  D’une façon générale, il sera nécessaire que les universités s’ouvrent davantage encore à l’international tant en ce qui concerne les enseignants que les étudiants. Le développement de MOOC, la disponibilité en ligne des cours, travaux de recherche… sont également indispensable au rayonnement du droit français. Enfin, cette conférence devra aborder la question de l’égalité et de la diversité non seulement en termes de genre mais aussi d’origine sociale et géographique. La lutte contre l’inégalité des salaires hommes/femmes demeure notamment une réalité inacceptable. Ainsi dans une profession à 67% féminine, on constate un écart de salaire compris entre 7 et 14 % à fonction égale pouvant atteindre jusqu'à 26 % pour les plus de 45 ans. Il est impératif que des solutions opérationnelles soient décidées, à cet égard, dans le respect du cadre constitutionnel.

 

 

 

   


[1] On rappellera l’existence du Code de Déontologie des juristes d’entreprise publié par l’AFJE et faisant l’objet de formations.

[2] Cette recommandation a déjà été faite dans de nombreux autres rapports dont ceux de Maître Jean-Michel Darrois puis de Monsieur Michel Prada et s’inscrit dans la droite ligne de ces travaux démontrant un consensus constant de la part de ceux qui réfléchissent à la modernisation de notre pratique du droit en France mais qui se heurtent tout aussi constamment au conservatisme persistant des instances représentatives de la profession d’avocat et plus particulièrement du CNB et de la Conférence des bâtonniers au détriment du futur des jeunes professionnels et du rayonnement et de la force du droit français. On ne s’étonnera pas que les mêmes tentent d’étouffer le rapport de K. Haeri…

[3] Les mêmes qui s’opposent à cette confidentialité des avis internes et fustigent l’extra-territorialité du droit américain feraient ainsi mieux de renforcer le droit français plutôt que d’être les promoteurs indirects de ce qu’ils dénoncent…

[4] Les mesures proposées relèvent soit de la Constitution soit de la loi ordinaire ou organique.

[5] La loi organique du 8 août 2016 a aligné, en son article 7, les règles de nomination des procureurs généraux sur celle des autres magistrats du parquet. Or, il est possible d’aller plus loin en reprenant la réforme constitutionnelle sur laquelle un consensus s’était dessiné en 2000…


Publié le 18/04/2017


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